Les Français·es de l’étranger sont souvent les grands oubliés des débats budgétaires. Pourtant, un grand nombre de problèmes que nous rencontrons pourraient être en partie réglés par des ajustements du projet de loi de finances.
En amont de l’examen du budget de l’État (PLF), nous avons donc déposé avec ma collègue écologiste Mathilde Ollivier une série d’amendements afin de répondre à ces besoins et que je vous propose de découvrir ici : Budget 2025 pour les Français·es de l’étranger : Les propositions des sénatrices écologistes
Ces mesures pour 2025 constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre réseau consulaire, renforcer la protection de nos compatriotes et garantir un service public à la hauteur des défis du XXIe siècle. Face aux restrictions budgétaires qui menacent chaque année, dans des proportions importantes, la qualité de nos services publics à l’étranger, il est de notre responsabilité d’agir pour préserver et renforcer ce lien essentiel entre la France et les Françaises et Français, où qu’ils se trouvent.
Garantir un service public consulaire accessible et humain
Face à la dématérialisation croissante des services publics et à l’allongement des délais d’attente dans de nombreux consulats, il est urgent de renforcer les moyens humains de notre réseau consulaire. Les sénatrices écologistes défendent à ce titre la création de 100 postes dans l’administration consulaire, dont 40 pourraient être spécifiquement dédiés à l’accueil physique là où la qualité du service rendu à l’usager l’exige le plus. Cette mesure est indispensable pour maintenir un service public de proximité, particulièrement pour nos compatriotes les plus éloignés du numérique ou confrontés à des situations complexes qui nécessitent un accompagnement humain.
Moderniser et adapter notre réseau diplomatique
L’urgence climatique nous impose d’agir chaque année davantage : notre parc immobilier à l’étranger, qui représente 2 millions de m², nécessite une rénovation énergétique plus ambitieuse. Or, chaque année, les crédits insuffisants alloués à la rénovation du bâti et l’absence d’une stratégie immobilière pluriannuelle claire précipitent l’inéluctable – l’inadaptation de nos emprises aux conditions climatiques – et obligeront à des moyens encore bien supérieurs à l’avenir.
Nous proposons un plan d’investissement pour adapter nos bâtiments, particulièrement dans les zones les plus touchées par le changement climatique, notamment en vue d’améliorer les conditions d’accueil et réduire les coûts énergétiques à long terme.
Renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Les actions menées par les postes consulaires afin de lutter contre les violences sexistes et sexuelles dont pourraient être victimes nos compatriotes à l’étranger doivent être renforcées. À cette fin, les sénatrices défendent plusieurs amendements qui visent, entre autres, à consolider la formation initiale et continue des agents, dont la proximité directe avec la communauté française est déterminante pour repérer au plus tôt les cas de violences et apporter une première réponse localement.
D’autres amendements visent à renforcer l’information destinée aux victimes. Chaque poste consulaire pourra ainsi bénéficier de moyens supplémentaires pour constituer un guide à la disposition des Françaises et Français établi·es dans la circonscription. Ce document permettrait d’identifier et de distinguer les différents types de violences, d’énumérer les dispositifs juridiques, de soins ou d’accompagnement, et de recenser les structures locales (y compris francophones) et les professionnels au contact de victimes.
Les sénatrices écologistes veilleront à ce que ces informations soient continuellement actualisées. Elles proposent à cet effet de créer un indicateur de suivi annuel du nombre de postes consulaires ayant publié un guide pratique à destination de Françaises et Français établis dans leur circonscription et le maintenant à jour.
Faciliter l’accès à l’interruption volontaire de grossesse
Dans de nombreuses régions du monde, l’accès à l’avortement est extrêmement difficile, voire impossible. Le rapatriement en France pour recourir à une IVG s’avère parfois être la seule option. Afin de garantir que les considérations financières liées aux frais de rapatriement ne représentent pas un obstacle au recours à l’IVG, les sénatrices proposent que ces rapatriements puissent être pris en charge par l’État.
Les Écologistes l’ont déjà demandé à deux reprises et, à chaque fois, le Sénat a voté en faveur de cette aide. Le Gouvernement s’est toutefois systématiquement opposé à cette avancée, empêchant son entrée en vigueur.
Il est temps de dépasser cette opposition de principe et que cette aide soit enfin mise en place.
Développer les aides sociales
C’est scandaleux : le budget proposé par le gouvernement de Michel Barnier et désormais porté par le gouvernement de François Bayrou prévoit de priver les aides sociales de 1,6 million d’euros. Ces fonds vont cruellement manquer pour l’indispensable lutte contre la précarité de nos compatriotes à l’étranger. Par conséquent, les conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS) auront encore plus de mal à trancher quelle demande d’aide pourrait être prioritaire devant une autre.
Au lieu de saper les aides sociales, il faut les renforcer, en considération des besoins et de façon pérenne. Les deux sénatrices demandent que les aides sociales soient augmentées d’au moins 2 millions d’euros pour 2025, hausse indispensable qui devrait aller de pair avec un élargissement important du périmètre des aides sociales.
En particulier, il est grand temps de mettre fin à une discrimination inacceptable : l’exigence d’un taux d’incapacité de 80% pour les Français de l’étranger souhaitant accéder à l’Allocation Adultes Handicapés (AAH), alors que ce taux est de 50% pour les résidents sur le territoire national, sous conditions de restriction liée à l’activité. Cette différence de traitement injustifiable pénalise encore et toujours nos compatriotes les plus vulnérables.
En outre, il faut ouvrir l’allocation journalière de proche aidant (Ajpa) aux travailleurs·euses qui habitent en France, mais aident un·e proche à l’étranger.
Au-delà de cet impérieux élargissement de dispositifs, les sénatrices écologistes souhaitent mettre en place de nouveaux dispositifs d’aide sociale spécifiquement adaptés aux Français·es de l’étranger. La prise en charge de la dépendance échappe aujourd’hui aux besoins et aux risques couverts par les aides sociales versées à la discrétion de l’administration consulaire. Nos compatriotes ne disposent pas d’équivalent à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), alors que 15% des Français·es établi·es hors de France ont plus de 60 ans. Un amendement déposé par les sénatrices écologistes vise donc à renforcer l’action sociale consulaire en faveur des Françaises et Français de l’étranger en situation de dépendance, notamment afin de consolider des solutions locales adaptées, en partenariat avec des structures de soins, plutôt que de recourir systématiquement au rapatriement, dont le coût pour l’État est bien supérieur.
Ces crédits permettront de développer, avec les services consulaires et les associations partenaires, des dispositifs d’accompagnement. Il s’agit notamment de prévenir les situations où des compatriotes, privé·es de liens avec le territoire national, reviennent en France dans l’urgence et dans un état sanitaire dégradé.
Dans des pays où l’infrastructure médicale est rudimentaire, les centres médico-sociaux (CMS) permettent l’accès à la santé des Françaises et Français. Cependant le nombre de centres bénéficiant de financements par l’État ne cesse de diminuer et le budget porté par l’actuel gouvernement tente de les réduire davantage. Favoriser l’accès à la santé partout et pour toutes et tous paraît être frapper au coin du bon sens, a fortiori depuis la pandémie du Covid-19 ou l’épidémie de Mox. C’est pourquoi les sénatrices écologistes ont soumis un amendement de défense des crédits des centres médico-sociaux.
Défendre une école française inclusive et accessible à toutes et tous
L’enseignement français à l’étranger est chaque année menacé par une politique constante de restrictions budgétaires inacceptables, dont la baisse des effectifs et du nombre de boursiers est la conséquence directe et non la cause. La baisse programmée de 6,5 millions d’euros de l’enveloppe allouée à l’accès à la scolarité dans le réseau AEFE en 2025, dans un contexte d’inflation mondiale et de hausse des frais de scolarité, risque d’exclure encore davantage les familles françaises du réseau d’établissement français, particulièrement les enfants de familles monoparentales et des classes moyennes, dont les indicateurs de scolarisation dans le réseau AEFE sont alarmants. La baisse proposée par le Gouvernement apparaît en décalage total avec les besoins réels du terrain. Les sénatrices écologistes s’opposent vivement à ces baisses incompréhensibles des bourses scolaires et AESH et demandent a minima le maintien de l’enveloppe 2024. Ce strict minimum ne permettra même pas de compenser les effets de l’inflation et des hausses de frais de scolarité. Sans ces bourses, dont ont bénéficié environ 24 000 élèves en 2022-2023, la déscolarisation de nombreux enfants du système français sera inéluctable.
L’école de la République doit être véritablement inclusive, dans les mots comme dans les actes. C’est pourquoi les sénatrices défendent également la mise en place d’un système de tiers payant pour les Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH), visant à répondre à l’inefficacité du système actuel de remboursements aux parents de la rémunération d’un AESH. La politique actuellement en place exclut les familles les plus modestes qui n’ont pas la possibilité d’avancer les frais. Ce système induit par ailleurs des retards considérables dans les remboursements par les établissements, obligeant de nombreuses familles à renoncer à l’accompagnement de leurs enfants.
En outre, face aux crises qui se multiplient à travers le monde, et qui impactent parfois nos établissements scolaires, nous devons garantir la continuité éducative à nos élèves. Les événements récents au sein des établissements scolaires français à Bakou, àTéhéran, au Niger, en Turquie ou à Los Angeles ont démontré l’urgence de consolider et développer les programmes de soutien scolaire à distance, afin de permettre l’accès à un tutorat en ligne et à des outils numériques adaptés, et garantir à chaque enfant de poursuivre sa scolarité normalement.
Préserver les projets associatifs et d’entraide
Les Français·es de l’étranger portent une multitude d’initiatives dans leurs pays de résidence et contribuent ainsi à la solidarité, à l’insertion, à l’éducation et à la vie culturelle au sein de la communauté française. Il faut rappeler que les financements publics ont permis de co-financer 226 projets associatifs pour la période 2024-2025 au titre du programme soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE). Ces financements subventionnent également 91 organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), qui constituent un maillon indispensable de notre action sociale à l’étranger.
Il faut préserver, voire renforcer ces actions, face à des besoins en hausse. Le Gouvernement en place a toutefois choisi le contraire et a décidé de les affaiblir davantage :ces financements risquent de subir une coupe drastique de 600 000 euros en 2025.
Pour protéger les projets solidaires et la vie associative, les sénatrices s’opposent avec véhémence à cette nouvelle baisse et demandent que ces contributions publiques au tissu associatif soient au moins maintenues au même niveau qu’en 2024.
De même, pour renforcer notre présence culturelle, le soutien aux associations FLAM (Français LAngue Maternelle) doit également être renforcé pour pérenniser ces structures essentielles à la transmission de notre langue et répondre aux attentes légitimes des familles françaises établies hors de France.
Enfin, dans une perspective d’entraide, nos sénatrices écologistes ont réussi, avant la censure du Gouvernement Barnier, à faire adopter par le Sénat l’élargissement aux Français·es non résident·es fiscaux·ales en France de la réduction d’impôt accordée pour des dons aux associations.
Renforcer la Caisse des Français de l’étranger
Afin de garantir la viabilité financière de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) sur le long terme, les sénatrices écologistes proposent d’augmenter en considération des besoins la contribution de l’État à la catégorie aidée de la CFE. Cette part devrait être maintenue durablement à un niveau élevé, ce qui permettrait par ailleurs de garantir une meilleure visibilité financière pour la Caisse.
Il apparaît également nécessaire de renforcer les informations mises à disposition des Français·es de l’étranger en matière d’assurance sociale et de droits sociaux, en considération de la complexité particulière de ces politiques. En particulier, des communications à ce sujet devraient être partagées lors de l’inscription au registre des Français·es de l’étranger et pourraient notamment comprendre un volet sur les droits qu’ouvre une adhésion à la CFE.
Mieux protéger les Français·es de crises survenues dans le pays de résidence
Ces dernières années ont été tristement marquées par de nombreuses crises locales, régionales et internationales. Il est primordial que les consulats puissent pleinement assurer la protection de la population française en cas de crise.
À rebours du contexte international qui appelle à la plus grande précaution et à un redoublement des efforts d’anticipation des crises, le budget porté par le Gouvernement revoit son ambition à la baisse. Pour ne citer qu’un exemple inquiétant des dangereuses conséquences budgétaires sur la sécurité de notre communauté à l’étranger, le délai d’attente visé par le Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour les appels de secours à l’étranger serait plus que doublé . Il est vital que l’État renforce ses capacités de réponse aux crises et non l’inverse.
Pour y parvenir, les sénatrices écologistes demandent à ce que soient accordés les moyens nécessaires pour que chaque poste puisse organiser au moins une fois par an un exercice de préparation de crise, afin de maintenir un niveau de compétences élevé des agents en matière de réponse aux crises, et s’assurer que l’ensemble des procédures de sécurité et les équipements répondent en permanence aux exigences.
Agir en faveur de la représentation des élu·es des Français·es de l’étranger
Un mandat électif représente une charge organisationnelle et financière. Cette charge, particulièrement lourde pour les élu·es des Français·es de l’étranger, s’ajoute à de longs déplacements au sein de circonscriptions géographiquement étendues.
Force est de constater que le montant des indemnités destinées à couvrir les frais des élus dans l’exercice de leur mandat auprès des Français de leur circonscription ne prend malheureusement guère en compte ces charges.
Les sénatrices écologistes proposent la revalorisation des indemnités des Conseillers des Français de l’étranger et des membres de l’AFE. Elles souhaitent que les charges liées à l’exercice du mandat soient mieux remboursées et que les situations individuelles pouvant impliquer des charges spécifiques – comme la garde d’enfant par exemple – puissent être prises en considération.
Ces propositions visant à rendre la représentation des Français·es établi·es hors de France plus inclusive ne sont certes que de premiers pas. Elles sont cependant essentielles pour abaisser les barrières qui découragent de nombreux·euses Français·es à se présenter à un mandat électif et s’investir pour notre communauté à travers le monde.
Faciliter le retour et l’installation en France
Pour les Français·es de l’étranger, le retour en France ne doit plus être un parcours du combattant administratif. Certains dispositifs existants doivent être ouverts et adaptés aux Français·es établi·es hors de France qui prévoient un retour sur le territoire national. C’est la raison pour laquelle les sénatrices demandent par exemple que la garantie locative Visale soit ouverte à tou·te Français·e qui cherchent un logement en France après avoir vécu à l’étranger.
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Ces mesures pour 2025 constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre réseau consulaire, renforcer la protection de nos compatriotes et garantir un service public à la hauteur des défis du XXIe siècle. Face aux restrictions budgétaires qui menacent chaque année, dans des proportions importantes, la qualité de nos services publics à l’étranger, il est de notre responsabilité d’agir pour préserver et renforcer ce lien essentiel entre la France et les Françaises et Français, où qu’ils se trouvent.
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Pour aller plus loin, retrouvez nos propositions pour le Budget de la sécurité sociale 2025 pour les Français·es de l’étranger.