La proposition de loi que j’ai déposée au Sénat avec ma collègue Mathilde Ollivier a fait couler beaucoup d’encre, notamment dans les coulisses de l’AFE cette semaine.

Je me réjouis de voir que cette PPL suscite un débat bienvenu sur cette question importante pour la vie démocratique des Françaises et des Français de l’étranger ! 

Avant de répondre directement à certaines questions qui ont été soulevées, notamment par l’ASFE, j’aimerais revenir sur l’essentiel:

Pourquoi est-ce si nécessaire d’accorder aux élections consulaires des standards démocratiques équivalents à ceux des autres élections?

Parce que ces standards sont la garantie de l’équité, de la transparence et de l’éthique du scrutin. Et que les Français·es de l’étranger les méritent tout autant que les autres citoyens.

En effet, la législation française liée aux campagnes électorales vise à garantir:

  • L’indépendance démocratique et l’éthique: grâce à des règles strictes de financement, qui limitent les dons individuels et interdisent les dons de personnes morales et le contrôle des comptes de campagne.
  • L’équité devant le scrutin: grâce au remboursement par l’Etat d’une partie des frais de campagne et à l’existence de plafonds de dépenses qui garantissent que les inégalités de ressources financières n’ont pas d’impact trop importants sur la capacité à financer les campagnes et donc à concourir à la vie démocratique.

C’est cette même exigence qu’avec ma collègue Mathilde Ollivier, nous voulons pour nos compatriotes à l’étranger. 

Ni plus, ni moins.

N’y a-t-il pas déjà un encadrement des élections consulaires ?

Il existe en effet certaines règles. 

Mais elles sont d’une part beaucoup moins satisfaisantes que celles d’autres élections et d’autre part, pas ou peu contrôlées.

Si les dons de personnes morales, comme les associations ou les entreprises, sont interdits, ce n’est pas le cas pour les dons individuels. De même, les candidat·es peuvent mobiliser leur patrimoine personnel pour financer leur campagne, alors que des règles strictes encadrent ce recours pour les candidat·es à d’autres élections. 

Puisque les candidat·es bénéficiant d’un patrimoine important ou ayant reçu des dons individuels importants peuvent mener des campagnes plus coûteuses, ils et elles bénéficient d’un important avantage électoral que notre idéal républicain devrait vouloir gommer. 

Par ailleurs, le concours de personnes morales, même s’il est légalement interdit ne peut, en l’absence de vérification des comptes de campagne, être contrôlé.

A ce titre, il est intéressant de relever que l’ASFE expose bien dans sa note que la participation d’associations est possible, par exemple par la facturation de services au prix du marché. En revanche, sans contrôle des factures par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), il est impossible de garantir que les prestations ont bien été facturées aux candidat·es au prix du marché.

Quelles sont les principales propositions de notre PPL?

  • D’une part, nous proposons d’élargir des règles qui visent à encadrer les dons individuels. Ainsi, comme prévu à l’article 52-8 du code électoral, ces dons individuels seraient plafonnés à 4 800 euros et tout don en nature ou en espèces dont le montant dépasse 150 euros serait interdit.
  • D’autre part, nous souhaitons plafonner les dépenses de campagne des candidat·es aux élections consulaires.
  • Ensuite, nous souhaitons garantir qu’une partie des dépenses puisse être remboursée par l’Etat, à hauteur de 47,5% des dépenses encourues et dans la limite du plafond global.
  • Enfin, nous souhaitons soumettre le contrôle des dépenses de campagne à la CNCCFP de manière à s’assurer à la fois que toutes les dépenses éligibles sont bien rapportées aux comptes, que leur montant total ne dépasse pas le plafond et que toutes les règles ont été respectées.

Pourquoi proposer des plafonds de dépenses et de dons pour les élections consulaires ?

Pour renforcer l’équité entre les candidat·es.

C’est ce principe qui a amené la législation française à mettre en place des plafonds. De cette sorte, l’écart des dépenses électorales entre les différentes listes peut exister, mais il est limité. Cela garantit que les candidat·es disposant d’un patrimoine important ou bénéficiant de nombreux dons ne puissent bénéficier d’un avantage disproportionné.

Les plafonds de dépenses prendraient ainsi en compte toutes les dépenses qui sont considérées comme éligibles par la CNCCFP, comme les salaires par exemple.

Cette disposition est à mettre en lien direct avec l’existence du remboursement des frais. Il est en effet sain que l’Etat rembourse une partie des frais, pour garantir que l’absence de ressources ne puisse être un obstacle à la participation à la vie démocratique. Ce droit doit évidemment être associé à une limite car l’Etat ne peut, par définition, rembourser des sommes illimitées.

Pourquoi proposer des comptes de campagne obligatoires ?

Car seule la traçabilité des recettes et des dépenses permettra des contrôles systématiques.

Pour garantir une telle traçabilité, il est non seulement indispensable que ces recettes et dépenses apparaissent sur un compte de campagne, mais que ce compte soit également géré par un ou une mandataire financier·ière. Ces propositions ne sont nullement nouvelles. Nous proposons simplement de transposer ce qui existe déjà pour d’autres élections et d’établir une équivalence avec le droit commun.

Pour ces autres élections, ces obligations sont très largement acceptées. Et pour cause, car elles permettent un contrôle a posteriori des comptes de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Rendre obligatoires la désignation d’un ou d’une mandataire financière et l’ouverture d’un compte de campagne ne pourrait-il pas décourager certain·es candidat·es ?

D’une part, un accompagnement individuel par les postes consulaires et, le cas échéant, des adaptations spécifiques aux pays de résidence permettront de garantir l’effectivité de ces obligations largement acceptées pour les élections organisées en France. Puisqu’il convient évidemment de garantir la tenue du scrutin malgré des contraintes locales spécifiques, par exemple en matière de taux de change, des aménagements sont de mise qui vont au-delà des droits déjà garantis aux candidat·es, comme celui à l’ouverture d’un compte de campagne prévu par l’article L. 52-6-1 du code électoral qui deviendrait applicable aux élections consulaires.

D’autre part, là où le risque d’iniquité de la campagne est moindre, les obligations demeureraient moins strictes. Plus spécifiquement, les nouvelles règles ne s’appliqueraient pas aux circonscriptions où le nombre d’inscrit·es est moins important, ce qui fait que les dépenses de campagne sont tendanciellement moins élevées. Le risque qu’une campagne y soit trop coûteuse et que des candidat·es s’en trouvent exclu·es y est par conséquent moindre. Afin de cibler les circonscriptions où le risque d’une distorsion de la concurrence pour des motifs financiers est le plus élevé, nous proposons l’élargissement des règles uniquement aux circonscriptions consulaires de plus de 5 000 personnes inscrites sur les listes électorales consulaires.

L’ASFE a relevé que ce plafond était arbitraire. Il n’est en réalité pas plus arbitraire que celui de 9 000 habitants appliqué en France pour les campagnes municipales.

Est-ce que le plafond variable du remboursement des dépenses ne va pas créer une disparité entre FdE selon la circonscription dans laquelle ils et elles habitent ?

C’est tout le contraire. En renforçant l’encadrement du financement des campagnes là où le risque des dérives est le plus important, nous renforçons l’équité entre les candidat·es.

Le facteur économique jouerait un rôle plus limité dans les campagnes, ce qui encouragerait plus de personnes à se présenter aux élections consulaires.