Aujourd’hui, dans le cadre des consultations sur la proportionnelles, les Écologistes seront reçus par François Bayrou.
Comme 75% des Français, nous soutenons l’application de ce mode de scrutin.
J’aimerais revenir ici sur les raisons pour lesquelles nous soutenons depuis toujours le scrutin proportionnel, sur pourquoi nous pensons qu’il s’agit aujourd’hui d’une urgence démocratique mais aussi, et surtout, sur quel modèle nous proposons.
Tout d’abord, pour comprendre pourquoi nous défendons la proportionnelle, il faut rappeler pourquoi notre mode de scrutin actuel, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, est extrêmement problématique et pourquoi il fait aujourd’hui peser un risque majeur sur la démocratie française.
Le scrutin majoritaire est injuste et toxique.
Injuste pour trois raisons au moins :
- Il ne représente pas justement les opinions politiques des citoyens. Avec le scrutin majoritaire, il peut y avoir 30 points d’écart entre le nombre de voix et le nombre de sièges obtenus !Il est possible de faire 31% des voix dans le pays et d’avoir 60% des sièges à l’Assemblée, comme ce fut le cas des macronistes en 2017. Il est aussi possible de faire 20% des voix et de n’avoir aucun siège.Aucune démocratie fonctionnelle ne peut accepter une telle distorsion entre la réalité citoyenne et la représentation parlementaire.
- Il permet, du fait de la distorsion énorme entre le poids électoral dans la société et le poids en sièges au Parlement, à une minorité de gouverner le pays.
Ceci entraîne l’adoption de politiques potentiellement rejetées par une majorité de citoyens, nourrissant ainsi la colère, le ressentiment et la défiance envers les politiques. - Il condamne une quantité inacceptable de voix à ne pas être représentées du tout.
Si l’on regarde les résultats de 2024, 45% des voix exprimées au 2nd tour sont perdues. 60% des voix exprimées au 1er tour ne débouchent pas sur une représentation! Autrement, il n’y a réellement que le choix de 40% des Français qui est représenté au Parlement. Aucune démocratie ne peut accepter cela.
Toxique pour 3 raisons au moins :
- Il produit une culture politique de l’affrontement, de la posture, et dévalorise l’intelligence collective et le compromis, exercices pourtant essentiels en démocratie à la construction de l’intérêt général.
- Il force dans de très nombreuses circonscriptions au vote utile, c’est-à-dire à voter davantage pour la candidature que nous détestons le moins et considérons la plus capable de battre celle que nous détestons le plus, plutôt qu’à simplement voter pour le projet qui nous convainc le plus.
- Il produit de l’instabilité des politiques publiques, avec des alternances qui amènent très souvent à défaire ce qui a été fait, empêchant de fait le pays de conduire des stratégies de long terme, notamment nécessaires pour la transition écologique et la justice sociale.
Malgré cela, le scrutin majoritaire a longtemps été défendu sur la base de deux promesses. Malgré ses lourds défauts :
- Il produirait des majorités stables.
- Grâce au second tour qui permet donc la constitution d’un front républicain, il permettrait d’écarter l’extrême-droite du Parlement.
Force est de constater qu’aujourd’hui, ces deux promesses ont volé en éclat :
- L’instabilité n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui en France, bien plus que chez nos voisins européens (qui ont tous la proportionnelle)
- L’extrême-droite n’a jamais eu autant de parlementaires en France.
Mais plus grave encore, c’est aujourd’hui précisément grâce au scrutin majoritaire que l’extrême-droite pourrait demain bénéficier d’une majorité au Parlement qu’elle n’a pas dans la société, et c’est aujourd’hui le scrutin majoritaire qui crée de l’instabilité et nous rend si inaptes à gérer le moment politique actuel, pourtant d’une grande banalité pour toutes les démocraties européennes.
Au contraire du scrutin majoritaire, la proportionnelle est un système juste et vertueux.
Juste parce que :
- La proportionnelle permet de représenter fidèlement les opinions politiques des citoyens. Ce mode de scrutin produit une représentation en siège proportionnelle au nombre de voix. Simple, logique, juste.
- Elle permet que les différents projets soient directement présentés aux citoyens, sans pousser les différents blocs à des accords préélectoraux pour contourner les effets du scrutin majoritaire. Les citoyens ont donc davantage la maîtrise du résultat, plus de choix réels et des choix plus libres.
- Elle garantit que chaque voix compte. Que vous votiez pour une liste ayant fait 8% ou 32%, votre voix sera, proportionnellement au score de chaque liste, représentée au Parlement. Cela stimule ainsi la participation électorale car vous savez que votre voix comptera forcément.
Le scrutin proportionnel est aussi vertueux :
- Il permet de construire une culture politique de la responsabilité et de l’intelligence collective, poussant les forces politiques à construire des majorités sur la base des préférences citoyennes, au lieu d’avoir des majorités fictives produites seulement par un mode de scrutin mais sans base sociale réelle.
- Il permet en réalité une stabilité plus forte, en permettant de conduire des politiques publiques qui rassemblent plus largement et donc aussi d’augmenter la stabilité politique dans la durée, rendant possibles les changements de long terme.
Alors quelle modalité de proportionnelle choisir ?
Pour les Écologistes, la solution doit respecter 4 critères :
- Représenter le plus fidèlement possible les opinions.
- Assurer un équilibre géographique.
- Être lisible.
- Pouvoir être mis en œuvre sans changement constitutionnel à ce stade.
Nous pouvons déjà écarter les modalités qui ne sont pas de vraies proportionnelles du tout : la prime majoritaire ou la part de proportionnelle, puisque ces options perdent l’intérêt même du scrutin proportionnel, en construisant des majorités fictives ou en perdant la fidélité de la représentation.
Restent alors :
- Un système mixte (souvent dit « à l’allemande » – avec une partie par circonscription et une partie par liste nationale qui compense pour arriver à un résultat proportionnel).
- Un système de liste nationale.
- Un système de liste par circonscription (départementale, régionale, ou autre).
Le système mixte a d’importants avantages, permettant un ancrage territorial fort et une proportionnalité parfaite grâce à la compensation. Mais pour être réellement mis en œuvre, il nécessite un changement constitutionnel puisqu’il nécessite d’adapter le nombre de sièges.
Le système par liste nationale pur, quant à lui, s’il garantit une proportionnalité parfaite, ne garantit pas (du tout) l’équilibre géographique.
Restent donc les listes par circonscriptions. Et vient donc ici la question du périmètre de ces circonscriptions.
Et j’aimerais vous expliquer brièvement pourquoi le modèle départemental, qui revient dans le débat, est une très mauvaise idée.
En effet, pour avoir une représentation juste, les circonscriptions devraient avoir environ une vingtaine de sièges, permettant aux listes d’être représentées à partir de 5% des voix).
Pourquoi 5% ? C’est le seuil que nous avons choisi pour les élections européennes, seule élection où nous avons la proportionnelle intégrale. Aux élections européennes, si votre liste fait 5%, vous êtes représenté au Parlement européen. Comment accepter que vous soyez moins bien représentés au Parlement français ?
Or, la moitié des départements français ont 4 sièges ou moins. Seulement 17% ont plus de 10 sièges. Ceci veut dire que sur la moitié du territoire, il y aura un seuil théorique de 25% pour être représenté !
Cela donnerait donc aussi une quantité de voix perdues comparable au système majoritaire.
La distorsion vote/siège est donc aussi très forte: il resterait possible d’obtenir une majorité absolue avec 31% des voix.
Pour avoir un bon système sans changer la Constitution, il faut donc trouver un système avec des circonscriptions, pour l’équilibre géographique, mais assez large pour avoir une véritable représentation.
C’est pour cela que nous défendons des listes régionales.
La proportionnelle régionale permet d’assurer un équilibre géographique, tout en garantissant une représentation vraiment fidèle des opinions, sans grande distorsion, en étant simple, lisible et applicable sans changer la Constitution.
Pour des raisons de lisibilité, nous avons choisi, dans notre proposition de loi, de nous fonder sur des circonscriptions existantes, soit les régions actuelles.
On pourrait arguer que nos régions actuelles sont, pour certaines, trop vastes. Dans ce cas, il reste tout à fait possible de faire sur la base des anciennes régions, ou bien de créer des circonscriptions ad hoc.
L’essentiel étant que les circonscriptions soient assez cohérentes pour avoir un véritable ancrage territorial et un vrai équilibre géographique, et assez vastes pour élire environ une vingtaine de sièges.
Aller plus loin :
Vous pouvez retrouver ici la proposition de loi que j’ai déposée, visant à instaurer le scrutin proportionnel avec des circonscriptions régionales pour les élections législatives.