Une personne pouvant être enceinte sur trois a recours à un avortement dans sa vie. Ce chiffre colossal rappelle que l’interruption volontaire de grossesse est une réalité universelle qui concerne les résidant·es de tous les pays.
Nous n’aurons de cesse de le répéter : interdire l’avortement ne le réduit pas. La seule vraie différence est la mise en danger des femmes, les IVG clandestines étant la troisième cause de mortalité maternelle dans le monde selon l’OMS.
Face à ce besoin vital d’accès à une IVG qui soit sécurisée et accompagnée, je dépose, en cette Journée mondiale pour le droit à l’avortement, une Proposition de loi visant à faciliter son accès à l’étranger.
Aujourd’hui, 24 États interdisent totalement l’avortement. Dans d’autres, il n’est autorisé que dans des cas extrêmes où il incombe alors de prouver un viol, un inceste, la malformation du fœtus ou un danger vital pour la mère. Au Chili par exemple, les fausses couches peuvent même servir d’accusation en avortement.
Ce sont près de 40 % des femmes en âge de procréer, soit environ 700 millions de personnes, qui vivent actuellement sous des législations explicitement restrictives.
Les démocraties occidentales elles-mêmes reculent sur le droit à l’IVG. Lors de mon déplacement aux États-Unis, j’ai pu constater une véritable dégradation de la situation. L’annulation de l’arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême en juin 2022, qui accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays, a marqué une franche victoire de l’internationale réactionnaire. Quatorze États fédérés ont depuis interdit l’IVG.
Cette dynamique réactionnaire trouve des échos dans plusieurs pays européens où, malgré une légalité de façade, les conditions pour accéder à un avortement sont toujours plus nombreuses et restrictives. De même, le recours massif aux clauses de conscience rend l’accès à ce droit parfois impossible, comme en Italie où jusqu’à 90 % des médecins refusent de le pratiquer dans certaines régions.
Dans cet environnement prohibitif, l’Initiative Citoyenne Européenne “My Voice My Choice” lancée en 2024 exige que la Commission européenne propose des actes juridiques pour garantir l’accès à ce droit dans tous ses États membres.
Pionnière dans ce contexte, la France s’est positionnée le 8 mars 2024 comme le premier pays à inscrire l’IVG dans sa Constitution. Une consécration de ce droit fondamental pour laquelle je me suis battue en présentant la première proposition de loi à ce sujet dès 2022, puis en soutenant activement toutes les initiatives qui l’ont suivie.
Mais les Français·e·s établi·e·s à l’étranger, qui pourtant devraient avoir accès aux mêmes droits fondamentaux que si i·elles étaient sur le territoire national, sont encore trop peu protégé·es et accompagné·es pour recourir à un tel acte. C’est aussi contre cette inégalité que je lutte depuis le début de mon mandat au Sénat.
En octobre 2022, j’ai publié un guide de l’accès à l’IVG pour les Français.e.s à l’étranger. En avril 2023, j’ai demandé lors d’une question au gouvernement de mettre en place un dispositif de rapatriement d’urgence pour les interruptions volontaires de grossesse. J’ai même réussi à le faire adopter par un amendement dans le budget de janvier 2025, débloquant une enveloppe de 500 000 euros. Mais cette mesure a ensuite été supprimée par le gouvernement de Bayrou lors de l’utilisation du 49-3, malgré le vote favorable du Parlement et l’engagement du Ministre.
C’est dans la continuité de ce combat parlementaire que je dépose cette proposition de loi pour faciliter l’accès à l’IVG :
- Mieux informer et orienter : les consulats devront former leurs agents à cet enjeu et publier des listes de médecins et sages-femmes de confiance pratiquant l’IVG (article 1 et 2).
- En cas d’impossibilité : si l’IVG est inaccessible dans le pays de résidence, la France devra organiser le rapatriement de ses ressortissant·e·s (article 3).
- Faciliter l’accès médicamenteux : la pilule abortive pourra être délivrée par correspondance depuis la France pour éviter des obstacles logistiques (article 4).
Ces mesures pragmatiques visent l’effectivité de l’accès à l’avortement pour toustes les Français.e.s, y compris hors du territoire national.
Cependant, l’enjeu dépasse la nationalité : la France se revendique fer de lance d’une diplomatie féministe et d’un combat international pour la liberté de disposer de son corps. Elle milite pour l’inscription de ce droit dans la Charte européenne des droits fondamentaux et plaide pour sa dépénalisation universelle.
Il est maintenant temps de traduire cette ambition en actes concrets pour toutes celles et ceux dont la liberté est niée ailleurs.
L’avortement doit devenir un motif légitime d’obtention de l’asile ou d’un titre de séjour en France (articles 5 et 6).
Par ailleurs, et au delà de ce texte, nous devons continuer à faire pression sur le gouvernement pour qu’il engage enfin des moyens budgétaires à la hauteur de ses ambitions en termes de diplomatie féministe. Alors que les Etats-Unis de Donald Trump ont acté des retraits de financements massifs dans l’aide au développement, la France ne doit pas seulement se maintenir mais réinvestir d’urgence ce champ vital sur les plans sanitaires, économiques et de droits humains.
Que la France consacre une part claire de l’aide au développement à la promotion de l’égalité femmes-hommes doit être notre priorité (comme le gouvernement s’y est engagé avec l’objectif de 75% de l’aide qui y participe), mais il lui faut aussi directement flécher des crédits vers les organisations œuvrant à l’accessibilité de l’interruption volontaire de grossesse dans le monde, qu’elles soient basées dans un pays donateur ou bénéficiaire de l’aide publique au développement.
L’avortement n’est pas un privilège, c’est un droit fondamental.
À nous de le rendre accessible pour toustes, partout.
Aller plus loin :
Vous pouvez retrouver ici la proposition de loi que j’ai déposée, visant à faciliter l’accès à l’interruption volontaire de grossesse à l’étranger.