Une crise sociale inédite depuis 2009
Depuis plusieurs jours, Madagascar est secoué par des manifestations d’une ampleur inédite depuis 2009. La jeunesse malgache, exaspérée par les coupures d’eau et d’électricité, la pauvreté endémique et un accès dramatiquement insuffisant à la santé et à l’éducation, est descendue dans la rue. La répression a déjà fait plus d’une vingtaine de mort·es et une centaine de blessé·es.
Cette crise révèle une double urgence : celle de soutenir les aspirations légitimes des populations malgaches à une vie digne, et celle d’assurer la protection effective de nos compatriotes établi·es dans des zones à risque. Face à cette situation, dans notre courrier du 8 octobre nous avons soumis plusieurs interrogations à la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire et nous comptons interpeller le prochain gouvernement pour obtenir des clarifications sur les dispositifs de gestion de crise et leur amélioration.
Une diplomatie qui protège et qui soutient
Au-delà de ces aspects sur la protection de notre communauté établie à l’étranger en période de crise, la situation malgache nous rappelle l’exigence d’une diplomatie équilibrée. Madagascar est un pays riche en ressources naturelles mais – comme souvent – surexploité, et la pauvreté s’accroît jusqu’à atteindre un taux de 75 % selon la Banque mondiale. L’accès insuffisant à l’eau, à la santé et à l’éducation ne peut continuer à être relégué au second plan.
La diplomatie française doit protéger ses ressortissant·es et soutenir les aspirations légitimes des populations locales à une vie digne. Nous croyons sincèrement que ces deux objectifs ne sont pas contradictoires. Une société malgache plus juste et plus prospère sera aussi une société plus stable, où l’on peut vivre en sécurité. À l’inverse, une approche diplomatique purement sécuritaire ou économique, reléguant au second plan les enjeux sociaux, environnementaux et de souveraineté, ne peut répondre efficacement aux crises présentes et futures.
Des projets contestés et des orientations critiquées
Or les orientations données par le Président de la République lors de sa visite à Madagascar les 23 et 24 avril 2025 relèvent essentiellement d’une approche sécuritaire et commerciale. Il s’agirait pour la France de sécuriser les eaux malgaches et de valoriser l’offre française.
Le Président de la République a cité en exemple à répliquer le téléphérique de Tananarive. Ce projet d’un coût de 152 M€, financé par un prêt du Trésor et un prêt de la Société Générale garanti par la BPI, a déjà fait l’objet de questions au gouvernement : il est totalement inadapté aux besoins de la population, en raison de ses tarifs, de son tracé et du manque d’électricité. Le téléphérique, vivement critiqué sur place, a été incendié le 25 septembre. Un projet d’usine d’engrais a été annoncé par le Président de la République Française, sans analyse de la situation de l’agriculture malgache et des raisons du faible recours aux engrais des paysans.
Par ailleurs, la question des îles éparses n’est pas traitée sur le fond. Enfin les polémiques actuelles sur la nationalité française obtenue en 2014 par le Président Rajoelina prennent de l’ampleur avec la crise.
Vers une politique étrangère responsable et cohérente
La situation actuelle à Madagascar n’est qu’un exemple supplémentaire qui démontre que les enjeux de sécurité de nos ressortissant·es, de soutien aux populations, de justice sociale et de souveraineté doivent être au cœur d’une politique étrangère responsable et cohérente. Nous appelons de nos vœux, une diplomatie qui protège en même temps qu’elle accompagne, qui sécurise en même temps qu’elle soutient, en s’appuyant sur la représentation démocratique locale, en contact quotidien avec les ressortissant·es français·es et la population malgache. Les aspirations des malgaches doivent être pleinement pris en compte dans la définition de cette politique.