À l’issue de notre entretien avec Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, le 26 août 2025, nous avons transmis au cabinet ministériel nos propositions prioritaires.
Cette démarche s’inscrit dans la phase de consultation parlementaire annoncée lors de la 42ème session de l’Assemblée des Français de l’Étranger en mars dernier et confirme l’engagement du gouvernement à créer un texte concerté avec les élu·es des Français de l’étranger.
Le ministre a rappelé sa volonté de s’appuyer sur les propositions de loi élaborées par les parlementaires. Cette approche collaborative permettra d’intégrer des travaux parlementaires approfondis autour des enjeux qui préoccupent notre communauté établie hors de France.
En tant que sénatrices écologistes représentant les Français·es établi·es hors de France, nous avons souhaité contribuer activement à l’élaboration de solutions à la fois urgentes et durables pour notre communauté. Nous regrettons cependant que le calendrier choisi risque, une fois de plus, de repousser le traitement de ces enjeux prioritaires.
Des droits fondamentaux enfin garantis à l’étranger
L’un des axes majeurs de nos propositions concerne l’accès aux droits reproductifs. La proposition relative à l’interruption volontaire de grossesse à l’étranger représente une avancée fondamentale pour les Françaises résidant dans des pays où l’IVG est illégale ou inaccessible, et pour renforcer l’influence de la France afin de faire de ce droit un droit universel.
Constitution d’annuaires de praticiens locaux, délivrance facilitée des soins dans le cas d’une IVG médicamenteuse ou encore ajout à la liste des motifs sanitaires de rapatriement, ce texte vise à faire de ce droit constitutionnel une réalité pour toutes les ressortissantes françaises. De même, il affirme que l’avortement doit devenir un motif d’obtention de titre de séjour ou du droit d’asile pour les femmes étrangères en incapacité d’y avoir accès dans leur pays.
Dans la même logique d’égalité des droits, la proposition sur la procréation médicalement assistée (PMA) corrige une anomalie juridique qui pénalisait particulièrement les couples de femmes.
L’impossibilité de réaliser chez un notaire la déclaration préalable nécessaire à la reconnaissance de filiation depuis l’étranger créait une discrimination inacceptable. La solution proposée, permettant d’effectuer cette démarche auprès des services consulaires, s’inscrit dans une démarche de modernisation et d’égalité d’accès aux services publics.
Une école véritablement inclusive pour tous
L’inclusion scolaire constitue l’un des défis majeurs de notre système éducatif à l’étranger. Nous alertons à nouveau sur la suppression du remboursement des accompagnants d’élèves en situation de handicap pour les élèves dont la reconnaissance est inférieure à 50%. Cette mesure génère des situations dramatiques pour les familles et contredit l’objectif d’école inclusive porté par la République française.
Parallèlement, la proposition de rattachement des Conseils de Vie Lycéenne des lycées français à l’étranger aux instances représentatives nationales répond à un enjeu démocratique essentiel. Nos jeunes compatriotes méritent de participer pleinement à la vie démocratique étudiante française et d’acquérir une expérience citoyenne complète, au même titre que les élèves scolarisés sur le territoire national. Cette mesure témoigne d’une volonté d’améliorer la représentation des élèves français hors de France.
Vers une égalité réelle face au handicap
La question du handicap révèle certaines des inégalités les plus importantes entre Français selon leur lieu de résidence. L’alignement des critères d’éligibilité de l’allocation aux adultes handicapés constitue un enjeu d’égalité républicaine que nous portons depuis des années. Actuellement, nos compatriotes en situation de handicap subissent une discrimination injustifiée avec l’exigence d’un taux minimal de 80% d’incapacité (contre 50% sous conditions en France métropolitaine) pour bénéficier de l’AAH « consulaire ».
Cette injustice s’accompagne d’une complexité administrative excessive qui décourage de nombreuses familles.
C’est pourquoi nous proposons la création d’un pôle spécialisé au sein d’une Maison départementale des personnes handicapées existante, offrant un point de contact spécialisé et une expertise dédiée aux spécificités des dossiers des Français de l’étranger. Le ministre s’étant exprimé par ailleurs sur ce sujet, nous espérons voir cette innovation administrative se concrétiser rapidement.
Modernisation des services publics et lutte contre les violences
L’extension de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants est une parfaite illustration de notre approche de la modernisation consulaire au service de l’amélioration de nos droits. Cette proposition s’organise autour du principe que ce qui est faisable en France doit être faisable à l’étranger quand c’est dématérialisable. L’extension aux Françaises de l’étranger des aides financières et outils d’assistance comme le numéro national d’écoute et d’assistance téléphonique, combinée à la formation spécialisée des agents consulaires, répond à un besoin urgent de protection de nos compatriotes les plus vulnérables.
Cette logique de modernisation s’applique d’ailleurs également aux questions pratiques du quotidien. La garantie du droit au compte bancaire peut sembler technique, mais elle répond à des situations concrètes dramatiques : fermetures automatiques de comptes faute de mouvements, difficultés d’ouverture depuis l’étranger, difficultés à joindre les services d’assistance, avec pour conséquence, trop souvent, l’impossibilité de percevoir retraites, aides sociales ou pensions alimentaires.
Reconnaissance et valorisation de nos agents
La proposition d’extension du régime indemnitaire obligatoire aux agents de la fonction publique territoriale en poste à l’étranger, notamment à Bruxelles dans les représentations régionales, répond à un problème concret d’attractivité et d’équité de traitement. Cette mesure, qui ne fait qu’appliquer des textes existants, témoigne de notre attention aux conditions de travail de celles et ceux qui servent l’administration à l’étranger.
Cette préoccupation s’étend naturellement à l’ensemble de nos services consulaires, dont la modernisation passe aussi par la reconnaissance du travail accompli par nos agents dans des contextes souvent difficiles et par des créations de postes là où cela est nécessaire.
Caisse des Français de l’étranger : une réforme nécessaire
Au-delà de ces propositions spécifiques, nous avons maintenu, à l’occasion de cet échange, notre vigilance sur des enjeux structurels majeurs. La réforme du cadre légal de la Caisse des Français de l’étranger nécessite que la future convention soit signée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en tant que ministère de tutelle. Sans cela, des vides juridiques et politiques risquent de perdurer, fragilisant davantage cet organisme essentiel face à un déficit dépassant les 10 millions d’euros annuels.
Nous réitérons la nécessité d’affecter une recette publique à la CFE, adaptée à ses missions de service public. Les pistes d’une taxe sur les billets d’avion ou d’une contribution sur le patrimoine des non-résidents offriraient des solutions de financement durables et socialement justes, inscrivant cette réforme dans une logique de justice environnementale et fiscale.
Vers une République véritablement universelle
Nos propositions législatives, transmises avec leurs dossiers complets au gouvernement, s’inscrivent dans la vision cohérente des Écologistes : celle d’une République qui garantit les mêmes droits à tous ses citoyen.nes, quel que soit leur lieu de résidence. La transmission de dispositifs juridiques établis et expertisés facilite le travail gouvernemental et témoigne de notre engagement à faire aboutir des réformes concrètes plutôt que de simples déclarations d’intention.
La présentation du projet à l’Assemblée des Français de l’étranger lors de la semaine du 13 octobre 2025 constituerait une étape importante. Cette consultation est essentielle afin d’enrichir les propositions de l’expérience de terrain des élus de l’Assemblée avant leur traduction dans le projet de loi gouvernemental.
Notre engagement demeure total pour que ce projet de loi, que nous demandons depuis plusieurs années, réponde véritablement aux urgences et attentes légitimes de notre communauté. Ce projet représente une opportunité d’assurer l’égalité des droits de nos compatriotes à l’étranger, qui font face à de nombreuses difficultés légales, administratives et financières, et de leur garantir un service public de qualité.
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