En tant qu’employeur public des personnels détachés, l’AEFE se doit de verser la part patronale des cotisations pension civile – un surcoût mécanique et incontournable qui s’applique automatiquement à toute la masse salariale. Quand l’État décide d’augmenter le taux de cotisation, l’AEFE doit suivre. Le scandale, c’est que ces augmentations successives n’ont jamais donné lieu à compensation dans la subvention d’État, créant un déficit structurel qui s’aggrave mécaniquement chaque année, comme l’avait d’ailleurs souligné la Cour des comptes dans son rapport de 2016, qui pointait le désengagement régulier de l’État dans le financement du réseau.

Pire, ce déficit structurel est aujourd’hui brutalement aggravé par les choix politiques du gouvernement Bayrou, qui impose une logique d’austérité aux services publics. Dans le projet de budget 2026, cette orientation se traduit par une nouvelle attaque contre l’AEFE avec une coupe d’ores et déjà estimée à plus de 20 millions d’euros dans la subvention de l’État. Une décision aussi irresponsable que familière, puisqu’elle fait écho à la baisse de 33 millions d’euros imposée dès 2017 à l’arrivée d’Emmanuel Macron.

Dans ce contexte, l’AEFE, confrontée à un déficit budgétaire massif – évalué entre 50 et 80 millions d’euros – s’apprête à sacrifier un pilier du fonctionnement du réseau : la prise en charge de la part patronale des pensions civiles des personnels détachés dans les établissements conventionnés. Cette rupture brutale avec plus de quinze ans de pratique, est aggravée par l’augmentation de 4% du taux de la pension civile en 2025, soit un surcoût de 9,7 millions d’euros que l’État ne compensera pas.

Depuis 2009, cette charge – entre 25 000 et 30 000€ par agent – est assumée par l’AEFE, rendant possibles les détachements dans les établissements conventionnés. Aujourd’hui, l’État se désengage donc encore davantage, puisqu’il ne versera que 120 millions d’euros pour une dépense réelle de 187 millions, laissant un écart de 67 millions d’euros dans les caisses de l’opérateur public. La suppression de la prise en charge par l’AEFE représenterait un changement de modèle imposé sans concertation, condamnant à court terme les établissements les plus fragiles à se déconventionner, faute de moyens. À moyen terme, ce serait la fin d’un réseau cohérent, remplacé par une structure à deux vitesses où seuls les établissements les plus riches pourront encore accueillir des détachés.

Certaines zones, comme l’Amérique latine, où les établissements conventionnés assurent la quasi-totalité de l’offre éducative française, seraient particulièrement touchés. La France prend ainsi le risque de saborder son influence culturelle, éducative et politique dans des régions entières du réseau.

Cette situation est le résultat de l’impasse budgétaire du macronisme, mais également des gouvernements successifs depuis 2009, qui n’ont pas voulu corriger la situation. Une taxe (la PFC) avait été créée pour compenser cette dépense, mais comme l’ont alerté les mouvements syndicaux dès 2018, elle s’est révélée insuffisante. Aujourd’hui, l‘AEFE choisirait de faire peser l’essentiel de l’effort sur les établissements conventionnés, pendant que les établissements partenaires et les opérateurs privés, eux, en s’ont exempté : une inégalité criante.

Le climat est d’autant plus tendu que les ministres Barrot et Saint-Martin eux-mêmes ont demandé le report du CA de juin 2025, reconnaissant l’absence totale de débat démocratique sur une mesure aussi lourde de conséquences. Nous avons en conséquence demandé aux ministres un rendez-vous pour clarifier notre positionnement sur le sujet et éviter ainsi le démantèlement du réseau au profit de structures privées.

Nous, sénatrices écologistes représentant les Français·es établis hors de France, ne pouvons l’accepter. L’argent public doit être fléché en priorité vers les établissements portant des missions de service public. L’asphyxie budgétaire de l’opérateur public appelle des réponses pérennes et à la hauteur des enjeux. Face à cette attaque d’une ampleur inédite contre l’enseignement français à l’étranger, il est temps que l’État prenne ses responsabilités et assure pleinement le financement des pensions civiles.

Nous restons mobilisées pour l’exiger.

Mélanie Vogel et Mathilde Ollivier

Sénatrices représentant les Français·es établi·es hors de France