Washington DC, New York, Princeton, Cambridge, Boston
Pendant une semaine, j’ai sillonné la côte Est des États-Unis pour rencontrer notre communauté française, les équipes consulaires et diplomatiques, mais aussi le monde académique, associatif et militant. Ces moments d’échanges ont été riches et parfois bouleversants : ils donnent chair à ce que signifie être Français·e de l’étranger aujourd’hui dans un pays où la démocratie est attaquée, où l’État de droit est menacé et où le pluralisme et la liberté de pensée sont dévoyés.
Ils m’ont convaincue d’une chose : Françaises et Français des États-Unis, votre voix, vos témoignages, votre vécu intime d’un basculement politique que certain·es appellent de leurs vœux en France doivent être entendus, partagés et amplifiés.
Un sujet est revenu avec force : la question du retour en France, ou tout du moins, d’un éventuel départ des États-Unis. Dans un climat états-unien tendu — marqué par les menaces que fait peser l’administration Trump sur les droits fondamentaux, l’accueil des étudiants étrangers et la liberté académique —, de nombreux compatriotes s’interrogent sur leurs perspectives à long terme et veulent préparer un éventuel retour. Mais celui-ci reste trop souvent semé d’embûches administratives et financières, ce qui renforce l’incertitude et mérite plus que jamais toute notre attention et notre engagement.
Washington DC : universités, services consulaires et vie associative
Le déplacement a commencé dans les campus de Georgetown et de l’American University. J’y ai rencontré des chercheurs et universitaires français·es qui contribuent chaque jour au rayonnement intellectuel et scientifique de notre pays et à faire avancer la science. Beaucoup ont partagé les obstacles auxquels ils font face, notamment les difficultés liées aux visas étudiants et chercheurs, qui compliquent la mobilité académique et fragilisent la coopération scientifique. Ces préoccupations sont d’autant plus fortes que la politique fédérale, marquée par les attaques sur l’accueil des étudiants étrangers et sur la liberté académique, accroît l’incertitude et la précarité de cette communauté.
À l’ambassade et au Consulat général, j’ai ensuite échangé avec les équipes en charge des affaires sociales, de l’état civil, de la nationalité et des visas. Ces services sont essentiels pour garantir les droits de nos compatriotes. J’ai pu mesurer l’engagement remarquable des agent·es qui accompagnent les Français·es dans des situations difficiles.
Au Lycée Rochambeau de Bethesda, la communauté éducative a rappelé combien ces établissements sont un pilier de la présence française à l’étranger.
Ces deux jours se sont achevés par une rencontre avec les conseillères et conseillers des Français de l’étranger et les associations représentatives sur WDC, qui témoignent du dynamisme et de la solidarité de notre communauté. La réunion publique qui a suivi a rassemblé de nombreux participant·es, dans un climat d’intérêt et de dialogue nourri, illustrant la vitalité démocratique et l’attachement de nos concitoyen·nes à débattre des grands enjeux politiques français et internationaux.
New York : droits sociaux, coopération culturelle et luttes militantes
À New York, les discussions au Consulat ont porté sur les réalités quotidiennes des Français·es : l’accès aux droits sociaux, les difficultés administratives, les situations de précarité.
Le lendemain, une réunion publique au Café Joyeux a réuni une quarantaine de personnes. Nous avons parlé de la montée de l’extrême droite en Europe et ailleurs, des défis de la transition écologique, mais aussi de la défense des droits reproductifs et LGBTQIA+. J’ai pu partager mes combats parlementaires en France — inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, autodétermination des personnes trans, égalité d’accès à la PMA — qui trouvent un écho particulier ici, où la mobilisation associative est très forte face aux reculs dans certains États américains.
Princeton et Boston : penser l’écologie et la démocratie en contexte transatlantique
J’ai eu l’occasion de participer à un séminaire organisé par l’université de Princeton qui a permis d’ouvrir un dialogue sur l’avenir du projet écologiste européen : comment répondre à la montée de l’extrême droite, articuler justice sociale et transition écologique.
Enfin, à Boston et Cambridge, une réunion publique a rassemblé une vingtaine de personnes. Nous avons débattu des grands enjeux politiques français — instabilité institutionnelle, vote de confiance du 8 septembre, débats budgétaires — mais aussi des pistes de réforme (taxe Zucman, proportionnelle, représentation des Français·es de l’étranger). Les échanges ont aussi porté sur la place de la recherche et de l’enseignement supérieur, un sujet crucial dans une région où le monde académique est particulièrement dynamique.
Préparer le retour en France
À plusieurs reprises, la question du retour en France a été évoquée. De plus en plus de Français·es installé·es aux États-Unis s’interrogent sur les démarches à accomplir et redoutent les obstacles administratifs qui rendent ce parcours décourageant.
Avec ma collègue écologiste Mathilde Ollivier, nous portons au Sénat des propositions concrètes :
- Un guichet unique au sein du Service France Consulaire, pour centraliser et simplifier toutes les démarches (fiscalité, emploi, scolarité, protection sociale).
- Un accès immédiat à la garantie Visale, afin de faciliter la recherche de logement et éviter les discriminations liées à des dossiers atypiques.
- Une continuité des soins et une affiliation immédiate à la Sécurité sociale en cas de rapatriement, en mettant fin au délai de carence qui fragilise nos compatriotes dans les premiers mois suivant leur retour.
- Un droit effectif au compte bancaire, pour garantir à chaque Français·e l’accès à un compte, même en cas de non-résidence : saisine de la Banque de France, délais de préavis allongés, période d’inactivité étendue. L’accès aux services bancaires n’est pas un privilège, c’est un droit fondamental.
Ces propositions répondent à des besoins concrets et à des situations vécues, largement relayées par une majorité d’entre vous.
Une étape dans un cycle d’échanges
Ce déplacement m’a confirmé à quel point les Français·es de l’étranger partagent les préoccupations politiques nationales tout en vivant des difficultés spécifiques : démarches consulaires, accès aux droits sociaux, mobilité académique, préparation du retour. Mais il a aussi montré la force de leur engagement, qu’il s’agisse de défendre les droits humains, de bâtir des solidarités locales ou de porter haut les valeurs de l’écologie et de la démocratie.
Ces rencontres nourriront mon travail parlementaire dans les semaines à venir, alors que la France traverse une période politique, budgétaire et institutionnelle décisive. Et dans un contexte où l’incertitude grandit des deux côtés de l’Atlantique — face au risque de dérive des États-Unis comme à l’instabilité politique française — notre communauté mérite plus que jamais écoute, soutien et protection.