L’année qui s’écoule a été celle de toutes les turbulences, et les Français·es de l’étranger ont été au premier plan pour en constater – et en subir – les effets. 

La crise économique frappe de plein fouet l’ensemble de la planète, qui se remet encore des contrecoups de l’épidémie de COVID et de l’agression russe en Ukraine. Des régions entières sont exsangues en raison d’une hyperinflation qui a des effets dramatiques sur des millions de personnes : nos compatriotes en Argentine, au Liban ou en Turquie en savent quelque chose.

Les bouleversements géopolitiques ajoutent à cette instabilité, alors que le Proche-Orient est à nouveau à feu et à sang, que la guerre en Ukraine s’enlise à l’approche du deuxième hiver de conflit. Ailleurs, d’autres foyers d’instabilité prennent forme, comme à la frontière du Venezuela et du Guyana, menaçant un équilibre mondial déjà bien ébranlé. Nos ressortissant·es d’Israël et de Palestine ne le savent que trop bien depuis le 7 octobre. 

Enfin, le dérèglement climatique s’installe durablement, avec son lot de canicules, d’inondations et de sécheresses. L’année 2023 aura été la plus chaude depuis le début du XXe siècle, dépassant le précédent record établi… l’année précédente. Les Françaises et les Français de Vanuatu par exemple, victimes de quatre cyclones depuis le début de l’année, l’ont bien senti.

Des crédits en hausse… mais des lacunes importantes

C’est dans cette période de grandes secousses que le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour l’année à venir. Un budget qui s’annonce en hausse pour les programmes concernant les Français·es de l’étranger, mais qui contient également des lacunes pour nos ressortissant·es résidant hors de France et des perspectives moins riantes pour les années à venir.

Je salue cette hausse de crédits annoncée par le gouvernement à l’occasion de ce projet de loi de finances. Je ne peux cependant que déplorer l’absence de perspectives à long terme, en particulier pour le programme 151, le plus important pour les Français·es de l’étranger puisqu’il « a pour objet de fournir aux Français établis, ou de passage, hors de France des services essentiels et de participer à la définition et à la mise en œuvre de la politique en matière d’entrée des étrangers en France ». Ce programme est sous la menace d’une baisse budgétaire dès 2025, selon les prévisions présentées à l’occasion de l’examen de ce PLF.

Je constate également que sur les 116 emplois équivalent temps plein (ETP) supplémentaires annoncés dans le cadre du PLF pour la mission Action extérieure de l’Etat, 18 concernent le programme 151, et 11 ETP seulement pour les services à l’étranger… Qui manquent pourtant cruellement de ressources humaines pour mener à bien leurs missions essentielles auprès des Français·es établi·es hors de France !

Je remarque enfin que la subvention accordée à l’AEFE pour l’enseignement du français à l’étranger, en hausse de moins de 2%, dissimule une baisse eu égard à l’inflation mondiale attendue en 2024, tout comme le budget des bourses scolaires. Suite à l’adoption d’un amendement, le soutien de l’Etat à la catégorie aidée de la Caisse des Français de l’étranger passe à 760 000 euros, un montant cependant encore trop faible pour assurer la pérennité de ce mécanisme fragile.

Mieux servir, mieux protéger nos ressortissant·es

Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances au Sénat, j’ai donc porté les amendements suivants avec pour boussole ces trois piliers essentiels : renforcer les services publics à l’étranger ; protéger nos concitoyen·nes les plus fragiles ; et préparer la transition écologique.

 

Services consulaires et vie démocratique

 

=> Recruter 150 personnes dans les consulats

Alors que le nombre des personnes inscrites au registre des Français établis hors de France est aujourd’hui sensiblement le même qu’en 2013, le nombre d’emplois à équivalent temps plein a baissé au cours de cette période. Plus spécifiquement, 3 390 équivalents temps plein étaient prévus pour le service public aux Français·es établi·es hors de France et les instructions des demandes de visa, alors que le Gouvernement prévoit 3 275 postes à cet effet dans le présent projet de loi de finances. Cette baisse des effectifs de 3 % au cours de la dernière décennie explique la dégradation de la qualité du service offert par le réseau consulaire observé, dégradation qui touche en premier lieu nos ressortissantes et ressortissants à l’étranger, mais également les agents des postes qui voient leurs conditions de travail se dégrader.

 

=> Garantir la formation des agents consulaires aux enjeux des violences sexistes et sexuelles, le besoin d’accompagnement du public particulièrement vulnérable, et l’accès à l’IVG

Cet amendement vise à garantir que les victimes de violences sexistes et sexuelles, les personnes particulièrement vulnérables et les personnes souhaitant avoir recours à une IVG puissent bénéficier d’un accompagnement plus adapté par les postes consulaires en améliorant la formation des agents. Afin de permettre aux postes de proposer un tel accompagnement, il est indispensable que les agents soient formés aux enjeux, aux besoins, et aux conseils qu’ils peuvent prodiguer. Cette formation doit être initiale, mais également proposée tout au long du parcours des agents.

 

=> Indexer l’indemnité des Conseillers·ères à l’AFE et des Conseillers·ères des Français·es de l’étranger sur l’inflation

Contrairement aux règles régissant l’indemnité des Parlementaires qui est revalorisée automatiquement avec le point d’indice de la fonction publique, celle des membres de l’AFE n’est pas automatiquement revalorisée. Même si son montant peut être adapté annuellement par arrêté, aucun mécanisme automatique n’est prévu pour s’assurer qu’elle reflète des hausses de frais. Il en est de même pour l’indemnité des Conseillères et Conseillers des Français·es de l’étranger. Cet amendement vise à créer deux nouveaux indicateurs budgétaires retraçant l’adaptation à l’inflation de l’indemnité des Conseillères et Conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et de l’indemnité des Conseillères et Conseillers des Français de l’étranger.

 

=> Augmenter le budget consacré au vote par Internet à l’étranger

Les élections consulaires de 2021, les élections législatives de 2022 et 2023 ont confirmé la popularité désormais pérenne du vote par Internet des Français·es établi·es hors de France pour les élections lors desquelles ce mode de scrutin est autorisé. Le présent amendement vise à tirer les conséquences de cette popularité en augmentant les moyens budgétaires dans le double objectif de garantir la pérennité de ce mode d’élection et d’améliorer sa fiabilité.

 

Vie à l’étranger

 

=> Soutien aux victimes françaises d’une catastrophe naturelle survenue à l’étranger 

Malgré la bonne volonté des postes consulaires et la « réserve de crise » déjà financée par le programme 105, le réseau est limité dans ses capacités à venir en aide aux ressortissant·es français·es touché·es par des catastrophes naturelles, puisqu’il ne dispose pas d’un budget spécifique. Ce soutien ne pouvant pas se faire avec les moyens budgétaires actuels, le présent amendement prévoit une majoration de l’enveloppe dédiée aux dépenses d’intervention de l’administration. 

 

=> Formaliser la gestion des projets STAFE à destination des Français·es installé·es à l’étranger en consolidant le rôle des élu·es

Les financements STAFE sont actuellement octroyés à l’issue d’appels à projets, mais la sélection des projets financés est très restrictive et n’est encadrée ni au niveau législatif, ni au niveau réglementaire, ce qui la rend opaque. Cet amendement vise à mettre fin à cette opacité en lui donnant, pour la première fois, un cadre législatif tout en renforçant l’équité et la transparence de la procédure. Il permettrait aussi d’accorder un pouvoir décisionnel plus important aux élu·es des Français·es établi·es hors de France.

 

=> Élargir l’aide juridictionnelle à la légalisation de documents émis par des pays tiers ou destinés à être produits à l’étranger

Cet amendement vise à créer un programme pour soutenir les personnes à revenu modeste demandant la légalisation internationale de documents. Cette démarche est actuellement entièrement à la charge de la personne à l’origine de la demande. Le présent amendement propose ainsi la création d’une « aide financière à la légalisation des documents ».

 

=> Créer un nouveau programme afin d’accompagner nos compatriotes résidant hors de France dans la prise en charge de leur perte d’autonomie 

Cet amendement vise à créer un nouveau programme à destination des Français·es établi·es hors de France qui serait dédié à l’accompagnement et à la prise en charge de la perte d’autonomie et de certaines dépenses des personnes en situation de handicap, pour faire miroir à la création de la branche « autonomie » de la Sécurité sociale en 2021.

 

=> Améliorer les informations à destination des victimes des violences sexuelles à l’étranger, y compris par le biais de campagnes de communication

 

Tandis que l’accompagnement des victimes de violences sexuelles par les postes consulaires mériterait d’être considérablement renforcé, il convient a minima de s’assurer que les postes centralisent des informations essentielles pour que les victimes puissent lancer elles-mêmes des démarches. Ces informations, établies individuellement pour chaque circonscription consulaire, devraient notamment garantir que les victimes savent quels acteurs proposent un accompagnement et une mise en sécurité, quels acteurs français proposent un accompagnement à distance, comment elles peuvent déposer plainte dans le pays de résidence et en France, quelles sont les étapes à suivre pour la sécurisation des preuves et comment faire appel à un service d’interprétariat.

 

=> Majorer le budget de l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales afin de garantir la disponibilité d’une aide aux personnes qui en sont devenues victimes à l’étranger

Il s’agit de majorer le budget disponible pour l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales aux victimes françaises établies hors de France. Si l’enveloppe prévue par le Gouvernement permettait d’allouer une aide de 37 euros en moyenne par femme résidant en France, le présent amendement prévoit de majorer les financements accordés au programme d’un montant qui permettrait de verser une aide d’un montant moyen équivalent aux Françaises résidant hors de France. En l’espèce, le budget serait abondé d’environ 650 000 euros afin de garantir qu’un socle de financement soit également disponible pour les femmes résidant hors de France.

 

Aide au retour en France

 

=> Prévoir que France Travail puisse proposer des mesures d’accompagnement spécifiques aux Français·es de l’étranger qui rentrent en France

Les Françaises et Français qui sont établis à l’étranger sont souvent confronté·es à d’importantes difficultés à trouver un emploi en France à leur retour. Il est essentiel que ces compatriotes puissent demander des conseils le plus tôt possible et pas uniquement après leur retour en France afin d’améliorer les chances de retrouver un emploi. C’est pourquoi chaque agence régionale de France Travail devrait disposer d’agents spécialement formé·es aux enjeux du retour en France. Dans cette optique, il est proposé de créer une dotation spécifique pour couvrir au moins en partie les coûts supplémentaires de l’accompagnement avec une recherche de travail des Françaises et Français qui sont sur le point de rentrer en France après avoir vécu à l’étranger.

 

=> Elargir l’accès à la garantie Visale aux FdE qui reviennent de l’étranger 

Exclure les Françaises et Français cherchant un logement en France après avoir vécu à l’étranger est méconnaître les difficultés importantes qu’une grande partie d’entre eux rencontre malheureusement lors de leur recherche de logement. Pour cette raison, il conviendrait d’élargir l’accès à la garantie locative Visale aux Françaises et Français qui veulent s’installer pour la première fois en France ou qui souhaitent rentrer en France et sont à la recherche d’un logement. Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur ce sujet par le biais d’une demande de rapport.

 

=> Budget dédié aux rapatriements d’urgence IVG

 

Un amendement identique avait été adopté par le Sénat l’année dernière, mais la disposition n’a pas été retenue par le Gouvernement lors de la suite des discussions budgétaires. Faute d’une action du Gouvernement pour faciliter les rapatriements en France pour une IVG, le besoin d’un financement supplémentaire demeure pour autant intact. Tandis que certaines personnes peuvent régler elles-mêmes les frais d’un rapatriement d’urgence pour une IVG, c’est loin d’être le cas pour toutes les personnes potentiellement concernées. Or, l’IVG devrait être accessible indépendamment de toute considération financière.C’est pourquoi cet amendement demande que l’État prenne en charge les frais d’un rapatriement d’urgence pour une IVG.